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LA CASE A FARINE

13 décembre 2009

PERIODE 1

A Firmine et Anselme….

« L’enfant disposant de deux réservoirs culturels français et créole, porteurs de valeurs respectives, il serait légitime qu’il puisse les exploiter sans répression.  »

« Alors Charles EDOUARD expliquez moi comment vous piloté la logistique du Centre ! ». L’intéressé pensa tout haut : - encore un qui est surpris qu’un martiniquais ait un nom et prénom « français »-. Le colonel Richard DE LA HOUSSAYE de la direction centrale du soutien de l’homme des armées (DCSHA), section ressources humaines, basée à Etampes venait de s’adresser à l’adjudant-chef Charles EDOUARD chef de service de la section soutien et, entre autres, pilote de la logistique du centre opérationnel ravitailleur en vivres des armées (CORVA) situé à Trélazé dans le département du Maine-et-Loire.

« Bien mon colonel ! Je reçois les ordres de la DCSHA par des messages Internet sécurisés. Mon secrétariat effectue un premier tri sur la nature des vivres à expédier : rations opérationnels individuelles de combat (ROIC) ou rations spéciales de survie commando (RSSC), me soumet les données à prendre en compte et je prends la décision, urgence ou pas, du mode d’expédition à utiliser en consultant le centre logistique des armées (CLA) situé au Bourget »

Immédiatement l’officier, qui avait saisi le ton agacé de ce sous-officier, répliqua : « Oui mon adjudant-chef ! Imaginons dans le cas d’un transport aérien qu’il n’y a plus d’aéronefs militaires… »

«Rien de plus simple mon colonel le CLA me réquisitionne un vol civil car il est primordial, et ce sont les ordres, que nos troupes reçoivent le ravitaillement au jour prévu ! »

 Charles se dit qu’il faudra encore réciter « sa leçon » le 25 septembre 2007, c’est-à-dire dans quinze jours pour l’inspection de l’Etat major des forces interarmées.

Ensuite Charles se lança dans l’explication du déroulement de la production des RSSC et ROIC jusqu’à la mise à disposition pour l’intervention de son service logistique composé de quatre personnels ayant à leur disposition trois chariots élévateurs et un logiciel de suivi des flux logistiques nommé suivi opérationnel des flux logistiques (SOFL.)

« Mon colonel le point critique pour la production est la détermination des constituants des rations en stock pour, si besoins est, procéder à des substitutions »

Ce service de production dispose aussi de quatre chariots élévateurs tri directionnels et filoguidés par fibre optique. Ces fibres enterrées dans le sol du magasin de stockage sont détectées par les capteurs des chariots pour le guidages entre les rayonnages.

Il continua : « Nous serions un peu gênés si notre logiciel de suivi des flux logistique devenait défaillant »

« Très bien EDOUARD (le supérieur peu s’adresser au subordonné directement par son nom) si votre SOFL est défaillant, vos expéditions sont stoppées ! »

« Non mon colonel, nous procédons aux expéditions et dès le retour à la normale du fonctionnement du SOFL nous régularisons, car les pannes très rares sont de très courtes durées »

« Mon colonel nous pourrions aussi avoir un petit retard dans la production en cas de défaillance d’un robot ou d’un automate, sachant que notre chaîne de conditionnement robotisée à été mis en place depuis 1994 »

Charles continua : « A l’époque cette chaîne était unique de part le système de fonctionnement des robots et automates »

« Oui EDOUARD mais avec 87 personnels civils il y a de quoi faire ! », Charles répliqua : « Mon colonel se sont des gens conscients de l’objectif qui a été fixé par l’état major interarmées »

Ensuite il expliqua le système wifi qui permet au bureau de production de communiquer les données aux conducteurs des chariots en attente pour les opérations de déstockage de constituants de rations de combat.

Vers midi, le colonel de la DCSHA, le colonel Michel D’ESNANBUC DE PLISSONNEAU commandant le CORVA et Charles rejoignirent les autres personnels au service de restauration du centre en commençant par un petit apéritif cordial avec du cabernet d’Anjou. An menu du jour bœuf bourguignon avec des pâtes.

« Dites-moi EDOUARD, on aurait préféré un bon colombo des Antilles avec un petit rhum de la Martinique en apéro! » S’exclama le colonel du DCSHA.

« Mon colonel ce serra possible dès que vous nous aurez proposé une spécialité culinaire de votre région d’origine ! »

« Euh ! vous savez EDOUARD, mon père était militaire et ayant vécu dans plusieurs régions et pays c’est un peu difficile pour moi de vous proposer quelque chose… »

«Mon colonel où vous résider actuellement il y a sûrement une spécialité… »

« Ah ! Vous savez Richard il n’y a rien à faire pour lui faire changer d’avis ! » Répondit le colonel D’ESNANBUC DE PLISSONNEAU.

Le repas se déroula sur cette fausse note et à l’issue le colonel Richard DE LA HOUSSAYE repris la route pour ETAMPES très satisfait de sa visite et des explications de l’adjudant-chef EDOUARD, tout en retenant que ce sous-officier avait du caractère…

A la fin de la journée et après avoir donner à son adjoint, monsieur Gérard HUET, les directives pour le lendemain il quitta le CORVA vers dix-sept heures trente.

En arrivant chez lui à CHOLET il serra tendrement dans ses bras la femme de sa vie, Rosette, en lui déposant un délicat baiser sur les lèvres.

 « Alors mon chéri la journée fut-elle bonne ? »

« Ne m’en parle pas, on a eu la visite d’un officier de la DCSHA qui devait croire que je m’appelais -Fetnat CHARLEMAGNE-  et qui se croyait encore au bon temps des colonies ! »

« Oh ! Tu as maintenant l’habitude de ces réflexions »

Elle se dirigea vers la cuisine pour terminer la cuisson du colombo de poulet pour les invités de demain qui sont des amis, Sabrina, Lucien et leurs deux filles »

Il s’inquiéta de savoir si elle avait eu des clients pendant la journée. « Juste deux retouches de jupes et une confection de robe de mariée, je m’en sors pas mal »

Il y eut aussi dans la journée un appel téléphonique de leur fille unique Sabine. Haut fonctionnaire au Ministère des affaires étrangères, elle était en poste au Canada.

Depuis plus d’un an Rosette s’était installée à domicile en tant que couturière. Avec l’aide de Charles elle s’était aménagé un atelier dans une pièce indépendante des lieux de vie de la maison pour préserver leur intimité.

Charles marmonna : « je vais me faire une petite séance avec le fauteuil de massage ». Avant de s’assoupir sous l’effet des rollings il pensa à l’origine de son nom…

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13 décembre 2009

PERIODE 2

« Romual aye chaché man Licette pou moin, fai’ vit’ man ka péd’ dlo, ti manmail’ la ka vini ! dépéché côou ! »

(Romuald va chercher madame Lucette pour moi, fait vite car je perds les eaux, le bébé va naître ! Je t’en prie dépêche-toi !)

Il s’habilla en vitesse pour se rendre chez madame Lucette FONDELOT la sage femme, au quartier Bon Air.

Pour gagner du temps, un de ses proches voisins, « ti sonson » qui était un lève-tôt l’amena à bord de sa Peugeot 203 camionnette bachée. Il avait acheté ce véhicule grâce à sa pension d’ancien militaire et de la vente de terres constructibles dans le Sud. Le parc automobile de l’époque était très peu important. Ce véhicule forçait l’admiration du quartier et des environs.

En apercevant Romuald la sage femme lui précisa que c’était la lune et la bonne date.

Dès son arrivée au quartier Saint-Laurent, elle commença à aider Manotte pour l’accouchement.

« Allé Manott’ poussé encô ! ti manmaill’ la ka sôti ! »  (Allons Manotte pousse une dernière fois ! Le bébé va complètement sortir ! )

Lucette en saisissant le bébé par les deux pieds lui donna une tape au derrière. Le nouveau-né poussa un cri qui rassura la mère.

Pendant qu’elle prodiguait les premiers soins Lucette s’exclama « Manott’ ti bolom’ ta-a pa ké rété lontan épi-ou ! »  (Manotte ce garçon ne restera pas longtemps avec toi !) . Il paraît que cette sage-femme faisait des « séances » (Médium.)

« Man Licette man pa ka ouè poutchi yiche moin-a pé ké rété épi moin ! »   (Madame Lucette je ne vois pas pourquoi mon fils ne restera pas à la maison !)

«Manott’  Tout kouyon mô Sain Piè et man vivan ! »  (Manotte toutes les idiotes sont mortes lors de l’éruption de la montagne Pelé à Saint-Pierre et je suis vivante !)

L’arrivée des frères et sœurs du bébé mis un terme à cet échange verbal entre les deux femmes :

Adrienne (7 ans), Fortuné (5 ans), Clothaire (3 ans) et Constance (18 mois) regardèrent avec émerveillement et curiosité le petit frère qui venait de naître. Bientôt il faudrait lui faire une petite place dans l’unique lit réservé aux enfants. Le matelas était constitué de vieux linges de toutes sortes inutilisables, le tout dans un grand sac.

« Romual parmis toute cé ti mamaille la, cé ta la ki ka semm’ou pliss ! » (Romuald parmis tes enfants c’est celui-ci qui te ressemble le plus).

« Man Licett’ si ou di çà cé çà » (Madame Lucette çà doit être vrai)

« Manott’ ki nom ou ka ba ti bolom la ? » (Manotte comment vas-tu prénommé ce garçon ?)

« Romual man ké crié-i’ Chale, ou sav’ kon patron moin bétchié-a missié Charles DE FONSIGNAC DE LA TOUCHE TREVILLE ta-a ki ni tout tè can’la Morne-des-Esses » (Romuald je vais lui donner comme prénom Charles, tu sais comme mon patron le béké (1) monsieur Charles DE FONSIGNAC DE LA TOUCHE TREVILLE  celui qui possède l’habitation (2)  et les centaines d’hectares de cannes à sucre au Morne des esses)

Romuald resta un peu pensif puis il répondit à Manotte :

« Bon man ka espéré nom ta la péké focé ti manmaille la, pé têt’ çà ké empéché yo crié-i’ cooli (1) » (Bien j’espère que ce prénom ne va pas l’handicaper plus tard, au moins çà empêchera peut-être qu’on l’interpelle coolie )

La pauvre femme savait qu’elle devait impérativement reprendre le travail dans huit jours à l’habitation. Elle était ouvrière journalière dans les champs de cannes à sucre, où elle était amarreuse (2). Ce travail n’était pas une partie de plaisir car les feuilles tranchantes des cannes éraflaient les bras et toutes les parties du corps à nu.

« La simin’ prochin’ fok’ man fai encô plis’ pils cann’ çà ka fai cinq ti mamaille atchèl’men ! » (La semaine prochaine à la reprise du travail il faudra que j’augmente mon quota de piles de cannes,  maintenant il y a cinq enfants à nourrir !).

A l’annonce de la naissance la voisine, qui habitait derrière leur case, emmena une peau de cabri pour recouvrir le bébé.

« Léontin’ fout’ ou bon ! mèci an pil ! »  (Léontine tu es très bonne et très gentille, je te remercie beaucoup !). Ce cadeau évita à Manotte de payer une couverture chez le Syrien (3).

« An lott’ bagaill Romual fok pa nou oublié allé déclaré Charles la mairie Sainte-Marie épi otchipé di cé ti mamaille la ma ka posé atcheleman. » (Autre chose Romuald n’oublie pas que nous devons d’aller déclarer la naissance de Charles à la mairie de Sainte-Marie et occupe toi des enfants car je vais me reposer maintenant.)

D’autres connaissances dans les parages vinrent aux nouvelles ce qui donna l’occasion à l’heureux papa de boire quelques petits verres de rhum sous la véranda.

A la fin de la journée Romuald s’en alla pour s’occuper des animeaux domestiques.

« Adrienne otchipé-ou di cé ti mamaille la ma ka allé en fond-a pou ba cé bêtes la boè épi zèb ! » (Adrienne occupe toi des tes frères et sœurs je descends vers la ravine (4) pour donner à boire et de l’herbe aux bêtes !)

« Pou au souè-a mété en difé fri a pain épi lan mori, cé ça ki moin chè, mé pa mété tro gros moceau pou tout’ moune ni » (Pour ce soir tu feras cuire des fruits à pain (5) avec de la morue, c’est ce qu’il y a de moins cher, ne mets pas les morceaux trop gros pour que tout le monde aie sa part) .

« Si zot’ pa fai bétises man ké rapoté an bel corosol ki a dan pié-a ki an fond ravin’ la » (Si vous ne faites pas de bêtises je vous ramènerai un corossol (6) du pied qui est au fond de la ravine).

Puis il lâchât : « man ké ti brin plis trantchil’ atchèl’men, piss’ manman zot’ pé ké ni l’envi nimpot’ ki çà ! » (Maintenant je vais être un peu plus tranquille puisque votre mère n’aura plus d’envie de n’importe quoi !)

Il se rappelait que pendant la grossesse de Manotte celle-ci eu envie de manger un "manicou" (Opossum). Elle avait repéré cet animal dans un gros manguier et demanda à un garçon du quartier de l'attraper. Mais quand celui-ci commença à jeter de l'arbre des carcasses de crapauds provenant des repas du "manicou", l'envie de Manotte cessa immédiatement, et elle héla au jeune garçon : "ti bolom' kité ça tombé la minm' ! man pa lémanicou-a encô ! decenn' a tè ! "   (Laisse tomber ! Je ne veux plus manger du manicou ! Descend !).

13 décembre 2009

LEXITE PERIODE 2

( 1) Au lendemain de l'abolition de l'esclavage, les propriétaires des habitations sollicitèrent le droit de faire venir des travailleurs contractuels pour pallier le manque de main d' oeuvre. Ce droit leur fut accordé, et c'est ainsi qu'entre 1853 et 1884, plusieurs milliers de travailleurs étrangers furent recrutés en Afrique de l'Ouest (Guinée et Congo), en Chine, et surtout en Inde. Bercés par les illusions d'un eldorado Carïbéen, 25 000 indiens, originaire pour la plupart du sud de l'Inde s'embarquèrent pour la Martinique.
Cinquante ans plus tard, entre les rapatriements des uns, les décès et le suicide des autres, on n'en dénombrait plus que 3764. Accusés de "voler le travail des noirs", les indiens "coolies" eurent beaucoup de mal à s'intégrer à la population locale.
Ce n'est qu'au début du siècle, avec l'introduction des idées socialistes que les travailleurs de différentes origines commencèrent à se rapprocher. Toutefois, ce n'est qu'après la deuxième guerre mondiale, que les mariages mixtes devinrent chose courante et que l'on pu parler réellement d'intégration. Malheureusement, comme c'est souvent le cas , la culture indienne faillit faire les frais de cette intégration ; au point, qu'il y a une trentaine d'année, il ne restait plus grand chose de la culture indienne.
Mais, à la fin des années 60, quand des chercheurs indiens eux-mêmes ont entamés des travaux sur la diaspora indienne, de nombreuses traditions ont refait surface.

(2) Il y avait toute une hiérarchie dans les métiers liés à la culture de la canne à sucre. Le géreur (souvent un béké) qui faisait la gestion des propriétés agricoles et qui prenait les décisions, l’économe qui tenait les finances et gérait le budget, le commandeur qui distribuait les tâches et les vérifiait dans les champs (c’était souvent un mulâtre), les ti-bands (petites bandes) constituées par des enfants qui mettaient du fumier et nettoyaient la cannes, les coupeurs et les amarreuses. La culture de la canne à sucre fut introduite en Martinique en 1639 par un marchand néerlandais, le sieur Trézel. Avec le Père Labat, en 1694, s’ouvre l’ère de l’alcool.

L’amareuse était l’ouvrière qui faisait équipe avec un coupeur de cannes (un bon coupeur peu couper jusqu’à cinq tonnes en une journée). Au fur et à mesure que celui-ci coupait les cannes avec un coupe-coupe communément appelé " cout' la' " (coutelas ou coupe-coupe), elle constituait des paquets qu'elle amarrait avec les feuilles des cannes. Dès 1934 le salaire d’une journée était gagné quand le coupeur et l’ammareuse avaient constitué vingt « piles » (tas de 10 tronçons de canne de 1 mètre de long) de paquets de cannes. La somme totale, seize centimes d’anciens francs par pile, était partagé par les deux équipiers. La tâche est fixée à 20 piles de 25 paquets.

(3)- Syrien : - vers la fin du XIXième siècle, immigrants provenant de la Syrie et du Liban, et qui s’adonnèrent plus particulièrement aux commerces des tissus et de l’habillement.

(4)- Ravine : Une ravine est une vallée encaissée dans la montagne de la Martinique. L'avantage de la ravine est qu'elle est moins touchée par les cyclones qui passent au-dessus

(5)- Le fruit à pain : c’est le fruit de l'arbre à pain. Importé d'Asie sous les tropiques, il pèse de 2 à 5 kilos, de forme ronde et de plus de 25 cm de diamètre se mange à maturité. Ce légume est cuisiné comme la pomme de terre, après avoir été épluché puis cuit en morceaux dans de l'eau. On peut en faire des frites, de la purée ou des pommes-noisettes.

 (6)- Corossol : C’est un gros fruit dont la peau forme de nombreux petits pics. La chair blanche renferme de nombreux pépins noirs gros comme des fèves. On les mange à la petite cuillère ou en jus avec une centrifugeuse. La pulpe est légèrement fibreuse.

13 décembre 2009

PERIODE 3

Troisième période

Romuald serait d’autant plus à l’aise dans ces activités professionnels puisque celui-ci travaillait sur les habitations selon l'humeur du temps ou "silon vent la tchiè poule penché" (Proverbe créole : - la queue de la poule se penche selon la force et la direction du vent, on verra selon les circonstances.)

Il avait aussi la case à maintenir en bon état surtout pour préserver cet habitat des cyclones particulièrement violents sous ces latitudes.

Romuald et Manotte avaient acheté six mille mètres carrés de terrain pour quatre-vingt-quinze mille anciens francs. Sur cette surface il y avait la petite case construite vers mil neuf cent deux et une végétations luxuriantes avec des arbres fruitiers.

De la route communale on accédait chez eux par un petit sentier de trois kilomètres environ qui serpentait à proximité du domicile des habitants du quartier.

C’était pratique pour avoir des informations sur la vie du quartier. « ça ou-fè Joséfin’ ! yo di moin ou ka pati en France mois prochin ! » (Comment vas-tu Joséphine ! On m’a dit que tu pars en France le mois prochain !). « Missié Romual ou trop maco ça pa ka gadé-ou ! Cé pa –ou ki nomm’ moin ! » (Romuald tu es trop indiscret ! Tu n’es pas mon homme !). « Joséfin’ si ou vini en fond ravine la dèmin au souè man ké montré-ou koumaniè man ka soin an femm’ » (Joséphine si tu viens demain soir me rejoindre au fonds de la ravine je vais te montrer quel étalon je suis). Celle-ci éclatât de rire en continuant à vaquer à ses occupations et Romuald poursuivi son chemin un peu pensif…

La case était enfouie dans la végétation au début de la pente d’une ravine, à l'abri des cyclones. Elle était faite de bois ti baume et avec un sous-bassement en ciment et recouverte de feuilles de palmiste reliées ensemble par leurs folioles tressées. Ces feuilles font office de tuiles végétales qui sont les plus résistantes puisqu'elles peuvent tenir le toit de 8 à 10 ans. Le toit était bas afin d'offrir moins de prise aux coups de vent. Les portes et les fenêtres étaient en bois de récupération.

Une véranda entourait la maison, on y mangeait sur une table formée de planches posées sur deux tréteaux ou on y accueillait les gens de passage.

A l’entrée il y avait des rideaux en lanières de plastiques multicolores pour garder une bonne température et avoir un minimum d’intimités car la porte d’entrée restait ouverte la journée.

Dans l’unique pièce de vie trônaient un petit buffet en bois avec une table en bois et quatre chaises, au sol il y avait de la terre battue. On y accrochait toutes sortes d’images (photos de magazines, images pieuses, calendriers mêmes périmés, cartes postales reçues, etc.).

Les poutres servaient à entreposer des objets, des bouteilles et tout ce qu’il y avait à mettre hors de portée de mains indélicates…

La deuxième pièce était séparée en deux, avec un plancher provenant de caisses d’importation de morues salées. Il y avait la chambre des parents avec un lit, une commode, une armoire. Dans l’autre partie c’était la chambre des enfants avec un unique lit et une armoire.

Romuald avait fait fabriquer ces meubles par « bois côchi » (pièce de bois de travers) le menuisier ébéniste du quartier Bon Air. Tout le mobilier était en bois de mahogany. Pour payer ils avaient fait du troc et la transaction s’était effectué avec deux vaches, trois chèvres et quatre cochons.

Il y avait deux petites dépendances : la cuisine avec un foyer à charbon de bois fouillé dans le sol.

 Sur les parois il y avait de nombreux clous pour suspendre les casseroles nettoyées avec la fibre de la noix de coco formant un tampon et au savon de Marseille. L’autre petite dépendance était le cabinet de toilette et son morceau de tuyau d’arrosage alimenté par un fût disposé en hauteur avec un recueil des eaux de pluie. Cette installation de fortune servait à se doucher.

 Pour les besoins naturels la journée il y avait le choix, soit on s’accroupissait sur deux rondins au-dessus d’une fosse creusée dans le sol à une vingtaine de mètres environ de la case ; soit on s’éloignait dans la végétation luxuriante à l’abris des regards. Pendant la nuit c’était le pot de chambre ou le seau dans la chambre qu’il était impératif de vider au réveil dans la fosse.

« Adrienne i cinq t’chè mété mangé-a a table avan y fai noê ! » (Adrienne il est dix-sept heures mets la table avant qu’il fasse nuit !)

« Oui maman, Fortuné termine la lessive de Charles et je m’occupe du repas »

« Demain je ferai du poisson puisque c’est vendredi »

Deux jours après la naissance Manotte reçu, entre autres, la visite de sa sœur aînée Angèle et son mari Georges. Ils habitaient au Lorrain au quartier Redoute et ils avaient pris la « taxi pays » de monsieur Bertin POIRIER dit « Ti popo » qui passait dans la commune à huit heures

« Fout’ ti mamaille ta la bel et pi costo ! cé yonn’ con çà man té ké in min ni » (Comme il est en forme et beau ce bébé ! j’aimerais en avoir un comme çà)

« Angel ou sav’ bien çà pa possib’ cé pa la pinn’ fê co-ou di mal » (Angèle tu sais que c’est impossible, évite de te faire du mal)

« Man sav’ Manott’ mé man pa té fè espré » (Je sais Manotte mais je n’avais pas fait exprès).

Au cours de la matinée Romuald arriva fort mécontent car il venait d’apercevoir des garnements en train de chaparder sur son terrain des mangues « coco bœuf ».

Quelques jours après la naissance Romuald et Manotte décidèrent de se rendre à la mairie de Sainte-Marie pour déclarer Charles. En arrivant Manotte s’adressa à madame Léontine CASASUC agent de l’Etat civil : «Nous sommes venus déclarer la naissance de notre fils qui est né le quinze »

Dans ces petits hameaux tout se transmet rapidement par « radio cocotier »

« Comment messieurs dames  ! C’est maintenant que vous venez ! Nous sommes le dix-neuf ! »

« Madame Léontine j’ai quatre enfants à m’occuper et j’habite à Saint-Laurent ! »

Manotte s’était exprimé d’un ton sec et ferme qui ne laissait pas entrevoir la moindre réplique.

L’agent d’Etat civil qui avait ses légumes à acheter au marché avant la fin du travail préféra passer à la suite.

« Je vais recueillir les informations et le maire vous fera lecture de l’acte de naissance »

 

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